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Rencontres livresques oneriennes
18 décembre 2018

Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)

CNV

Parler semble être un acte ordinaire, la communication peut pourtant s'avérer être un exercice périlleux. Les non-dits, les malentendus, les incompréhensions, les phrases énoncées sous le coup des émotions, le manque de réelle écoute sont autant d'embûches sur le chemin des échanges humains. La société dans laquelle nous évoluons a conditionné notre langage et nous ne sommes plus toujours conscients des automatismes qui nous incitent à juger et à critiquer plutôt qu'à échanger avec sincérité.

Marshall Rosenberg est un psychologue américain qui a développé la "Communication Non Violente" dans les années 60 en s'inspirant des travaux de Carl Rogers ainsi que de Gandhi et il a ensuite animé des ateliers de communication non violente dans une trentaine de pays à travers le monde.

La lecture de ce livre est agréable. L'approche proposée par Marshall Rosenberg y est détaillée point par point et de nombreuses illustrations issues de la vie de l'auteur et des personnes qu'il a formé contribuent à la clarté de l'exposé. Certains exemples sont particulièrement frappants, comme celui de cette jeune femme qui a échappé à un viol en appliquant les techniques de communication non violente à laquelle elle venait d'être formée.

Dans le cadre d'un travail de médiation, Marshall Rosenberg montre que la voie du conflit et des compromis décevants n'est pas l'unique possibilité. Il est en effet toujours possible, d'après lui, de désamorcer une dispute et d'aboutir à une solution qui convienne à l'ensemble des parties en présence. Pour ce faire, il suffit de réussir à créer un lien authentique, ce qui est finalement la seule réelle difficulté.

En l'absence de conflit, la communication non violente reste pertinente puisqu'elle permet d'accéder à un échange de meilleure qualité avec son entourage familial ou professionnel, mais aussi d'amener un discours interne plus sain. Nous sommes en effet nos pires juges et cette violence interne nous éloigne de la clarté d'esprit nécessaire pour faire part aux autres de nos besoins et pour entendre les leurs.

Sans surprise, l'empathie est un ingrédient primordial dans ce processus de communication. Il est moins évident qu'il n'y paraît de faire taire nos discours internes et d'accorder pleinement son attention à la personne qui s'adresse à nous. Marshall Rosenberg le démontre via un exercice proposé à des professionnels de la santé mentale. Ils doivent inscrire sur un papier ce qu'ils répondraient à un patient qui déclarerait "J'ai envie de mourir". Parmi la trentaine de réponses recueillies, seules 2 donnent au patient le sentiment d'avoir été réellement entendu. Le piège est de sauter sur des propositions de solutions ou sur une analyse intellectuelle et rationnelle de la situation, ce qui ne répond pas au besoin d'empathie de l'interlocuteur.

Enfin la colère fait partie intégrante de nos vies et il n'est pas question de l'étouffer artificiellement. Marshall Rosenberg propose un exemple qui illustre parfaitement l'expression de la colère dans le cadre d'une communication non violente. Il se trouve un matin dans un taxi avec un inconnu. Ce dernier profère une remarque particulièrement désobligeante à l'encontre des juifs (Marshall Rosenberg a beaucoup souffert de ses origines lorsqu'il était jeune). Plutôt que de se jeter sur l'inconnu et laisser libre cours à la colère qu'il ne manque pas de ressentir (ce qui n'aurait évidemment pas fait changer d'avis l'inconnu, bien au contraire), il parvient avec intelligence, empathie et détermination à lui faire entendre son point de vue. Je ne saurais que piteusement et imparfaitement rapporter le dialogue qui se tient entre ces deux personnages mais je reste impressionnée par la maîtrise de soi dont fait preuve l'auteur dans cette situation.

Même si la lecture de ce livre ne modifiera pas de façon drastique et instantanée notre façon de communiquer, il est en effet des automatismes profondément ancrés, on ne peut s'empêcher de remettre en question nos paroles, leurs formulations et leurs implications après cette lecture. Ce faisant, nous sommes peut-être déjà sur la voie d'une communication moins violente.

Christelle

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